Macdonald est au centre de la plus gigantesque affaire de corruption de l’histoire du Canada

 

 

En 1871, le Colombie britannique se joint à la Confédération à condition que la construction d’un chemin de fer la reliant à l’Ontario commence dès 1873 et qu’elle soit terminée au plus tard en 1881. Mais l’année 1872 est une année électorale et les Ontariens sont en colère contre Macdonald qu’ils estiment avoir fait trop de concessions aux Métis du Manitoba à la suite de leur rébellion de 1870. À l’inverse, Les Québécois en veulent à Macdonald d’avoir maltraité leurs compatriotes Métis, comme eux francophones et catholiques. La réélection des Conservateurs est donc compromise et Macdonald a besoin de beaucoup d’argent pour faire campagne.

En 1872, l’homme le plus riche au Canada était le Montréalais Hugh Allan, président de la Canadian Pacific Railway Company.

Deux compagnies sont les prétendantes principales à l’obtention de cet immense contrat de 100 millions $ (plus de 2 milliards $ en dollars de 2015). L’Inter-Oceanic Railway du financier torontois David Lewis Macpherson et la Canadian Pacific Railway de l’homme le plus riche au Canada, le Montréalais Hugh Allan, se font la lutte. Les associés américains de Hugh Allan suscitent cependant beaucoup de méfiance auprès de John A. Macdonald et de George-Étienne Cartier qui préféreraient que Macpherson et Allen (donc, Toronto et Montréal) fassent le travail ensemble. Mais Cartier, qui a jadis été l’avocat d’une autre compagnie de chemin de fer, la Grand Trunk Railway, est plus proche d’Allan.

Pressé d’aller faire campagne en Ontario où il est en difficulté électorale, Macdonald confie à Cartier les négociations avec Hugh Allan, en l’intimant de ne rien promettre de plus à Allan que la présidence de la future compagnie conjointe qui exécutera les travaux. Hugh Allan vient rencontrer Cartier. Lui et ses associés américains lui proposent la rondelette somme de 350 000 $ (plus de 7 millions $ en dollars de 2015) pour la caisse électorale conservatrice en échange du contrat. Cartier accepte et empoche personnellement 85 000 $ (près de 2 millions $ en dollars de 2015). Apprenant l’entente qui allait plus loin que le mandat qu’il avait confié à son lieutenant québécois, Macdonald accepte néanmoins de toucher personnellement 45 000 $ (un million $ en dollars d’aujourd’hui) alors que le ministre des Travaux publics Hector-Louis Langevin reçoit 32 000 $ (l’équivalent d’environ 700 000 $ en 2015). Les 188 000 $ restants sont distribués à certains autres candidats conservateurs.

Le premier ministre John A. Macdonald a accepté un pot de vin de l’équivalent d’un million $ en dollars d’aujourd’hui et Stephen Harper voudrait que nous en fassions abstraction pendant toute l’année 2015.

Les conservateurs de Macdonald sont réélus d’extrême justesse mais Cartier est défait dans son comté de Montréal-Est. Après l’élection, Macdonald subit de très fortes pressions des milieux d’affaires torontois et force Allan à se défaire de ses associés américains, ce que fait le président de la Canadian Pacific Railway, sans toutefois indemniser les Américains. Ces derniers s’estiment floués. Leur porte-parole se rend à Ottawa et menace Macdonald de dévoiler les lettres et télégrammes échangés avec Allan et Cartier s’il ne dédommage pas les financiers américains. Macdonald lui propose 37 000$ contre son silence, mais l’Américain rencontre aussi le député libéral de Shefford Ouest, Lucius Seth Huntingdon, qui lui propose 25 000$ en échange de la correspondance incriminante. Malgré une offre inférieure, l’Américain vend les précieux papiers à Huntingdon. Le 2 mai 1873, le député libéral annonce au Parlement qu’il détient des preuves de la corruption du gouvernement conservateur, ce que Macdonald nie avec véhémence. Pour étudier la question, le premier ministre accepte de former un comité qui siègera très brièvement avant d’ajourner ses travaux jusqu’en juillet. Excédé, Huntingdon remet alors les documents au Toronto Globe et au Montreal Herald qui publieront pendant deux semaines les preuves de la turpitude des conservateurs de Macdonald.

Cartier meurt le 20 mai 1873. Macdonald cherche alors à sauver sa peau en formant une commission d’enquête présidée par trois de ses amis juges dont il espère qu’ils feront porter tout le blâme à Cartier. La commission révèle bien peu de choses et Macdonald croit pouvoir s’en sortir. Mais alors que le Parlement siège à nouveau en octobre 1873, le député conservateur manitobain de Selkirk, Donald Alexander Smith (futur président de la Canadian Pacific Railway et de la Banque de Montréal), annonce ne plus pouvoir accorder sa confiance au fragile gouvernement Macdonald. Le 6 novembre 1873, le premier ministre Macdonald préfère alors démissionner sans déclencher d’élection, en invitant le chef libéral Alexander Mackenzie à former un gouvernement.

Ce scandale impliquant la corruption d’un premier ministre et la démission de son gouvernement est considéré comme le plus gros scandale de toute l’histoire canadienne.

Aujourd’hui, demander aux Québécois et aux Canadiens de célébrer le père fondateur du Canada, John A. Macdonald, c’est ni plus ni moins leur demander de célébrer le premier ministre le plus corrompu de leur histoire !