Durant la guerre de Sécession américaine (1861-1865), une petite faction au sein du parti démocrate appelée les Copperheads (vipères cuivrées) s’opposait à la guerre de l’Union, menée par le président républicain Abraham Lincoln, contre les états confédérés ainsi qu’à l’abolition de l’esclavage des Noirs. Mus par ce que l’historien Kenneth Stampp appela d’« intenses préjugés raciaux », les Copperheads organisèrent diverses conspirations contre le gouvernement Lincoln.
Au début de sa carrière politique, John A. Macdonald, qui continuait à pratiquer le droit privé, se mit au service des Copperheads. Ces derniers déposèrent de très importantes sommes d’argent à la Banque de Montréal par le biais de laquelle ils financèrent leurs activités contre les Nordistes abolitionnistes américains. En mémoire de l’un des leurs, on énonça qu’« à la suggestion du colonel Thompson (commissaire en chef des Confédérés), il a été jugé opportun de retenir les services de l’Honorable John Macdonald à titre de conseiller dans l’éventualité d’une réquisition, puisqu’il est sympathique à notre cause et qu’il est considéré comme un très éminent avocat. » Les représentants des Copperheads se sont rendus à la résidence privée de Macdonald en banlieue de Toronto. « Il nous a reçus cordialement et nous avons discuté abondamment de notre cause jusqu’à une heure tardive. L’arrangement fut conclu et un paiement de retenue fut versé par la République Sudiste », ont-ils rapporté.
Avant la Confédération de 1867, Macdonald était le procureur général du Canada Ouest. Prenant la parole à ce titre à un banquet, il insista pour rendre hommage à « la brave défense menée par la République Sudiste » (« the gallant defence that is being made by the Southern Republic »). Le point de vue de Macdonald ne semble pas avoir été partagé par ses concitoyens. Dans l’ensemble, 50 000 hommes de ce qui deviendra le Canada ont combattu dans la guerre de Sécession. De ce nombre, 80% l’ont fait côté de l’Union. Presque tous les Canadiens français qui se sont enrôlés dans la guerre civile américaine ont combattu pour les Nordistes. Une étude récente de l’historien Tom Brooks a identifié des Canadiens français enrôlés dans 500 régiments de l’Union abolitionniste, mais dans seulement 46 régiments des Confédérés ségrégationnistes. De plus, l’adversaire politique de toujours de Macdonald, le chef libéral George Brown, fut un abolitionniste de la première heure qui fonda la Anti-Slavery Society of Canada dès 1851. Propriétaire du Toronto Globe, Brown prononça de nombreux discours en faveur de l’abolition de l’esclavage. Par le biais de son journal, il encouragea les Canadiens à bien accueillir les esclaves noirs fuyant les États-Unis. Paradoxalement, George Brown vouait aussi une haine profonde aux catholiques, son journal surnommant le pape « la putain de Rome ». Pour lui, il fallait s’assurer qu’au Canada, « les descendants des conquérants » qu’étaient les anglo-protestants dominent les Canadiens français, ces « enfants des vaincus ».
Les penchants suprémacistes blancs de Macdonald ne se dissipèrent pas avec l’âge. En 1885, il déclara au Parlement, « Lorsqu’on observe autour du monde, on constate que les races aryennes ne se fusionnent pas sainement avec les Africains et les Asiatiques. Il n’est pas souhaitable qu’il en soit ainsi, qu’existe une race bâtarde, que le caractère aryen de la future Amérique britannique soit détruit par un ou des croisements de cette espèce… Encourageons les races de même origine, qui se fusionnent naturellement… Mais le croisement de races aryennes et non aryennes, comme le croisement d’un chien et d’un renard, n’est pas fructueux, il ne peut être et ne sera jamais. » ( source ).
Aujourd’hui, demander aux Afro-Canadiens de célébrer le père fondateur du Canada, John A. Macdonald, c’est ni plus ni moins leur demander de célébrer leur bourreau !